« A disaster » (The Weekender) ; « One of the year’s very bigest flop » (The Irish Time) ; « Depressing » (Variety) : les critiques accablent Pan depuis maintenant un bon mois, et en allant à la projection du film, nous nous sommes efforcés d’oublier tout ce qu’on avait pu lire sur le sujet pour mieux apprécier le spectacle. Et, franchement, ça marche !
Enfant, qui n’a jamais rêvé de faire léviter ses bateaux de pirates ? Joe Wright s’en donne à cœur joie avec un long-métrage bien rythmé, et qui fait la part belle à son style fluide et balancé. Le virtuose mène son ballet d’effets spéciaux avec une grande dextérité, sans pour autant étouffer le jeu des acteurs. Garett Hedlund joue les James Cook ascendant Indiana Jones, Hugh Jackman (Barbe Noire) est en autopilote option Broadway, mais le jeune Levi Miller (Peter Pan) tire son épingle du jeu et nous bluffe la plupart du temps. Enfin, si certains resteront réfracteurs à la 3D (et je les comprends), j’ai été ici agréablement surpris par ses effets réussis. Le bougre n’a pas son pareil pour immerger complètement le spectateur dans un récit haletant.
Effectivement, Joe Wright mise avant tout sur une mise en narration originale du conte, en mettant au cœur de son récit l’itinéraire d’un garçon en quête d’identité. Plus téméraire et décidé que ses petits copains orphelins, il sème la pagaille avec son copain Nibs dans son orphelinat londonien. En pleine Seconde Guerre Mondiale, il est intrigué par la disparition de certains garçons, et franchement dubitatif par le rationnement sévère opéré en cantine par les religieuses. Ensemble, ils décident d’aller chercher quelques réponses dans le bureau de la religieuse-en-chef, l’austère Sœur Barnabas. Là, ils mettent la main sur une lettre écrite par la mère de Peter, Mary. Comme toute mère aimante, elle insiste sur son caractère précieux et lui promet de le revoir à Londres ou ailleurs. De là, Peter se fait kidnapper par les pirates de Barbe Noire et l’aventure vers le pays imaginaire peut débuter.
Une lutte féroce entre le mercantile pirate et l’univers sacré des fées s’ensuit, l’un pourchassant l’autre pour ses trésors. De nombreuses scènes de combat sont opérées tambour battant, et c’est un pur régal pour les spectateurs. Joe Wright a dépensé sans compter, comme dirait l’autre de Jurassic Park. Les costumes signés Jacqueline Durran sont sublimes et magnifient parfaitement les personnages, leur donnant prestance et charisme dans un univers chatoyant au possible. Seulement, par certains instants le réalisateur tombe dans le piège d’un spectacle trop facile piochant allègrement chez les autres, comme par manque d’imagination. On pense à Mad Max pour l’entrée dans l’antre d’un Hugh Jackman décidément pas à sa place, entonnant sans sourciller « Smells Like Teen Spirit » de Nirvana, puis à Avatar dans l’univers des fées et enfin… c’est quoi cette référence récurrente au « Chosen One » soit « L’élu » ? Peter Pan se prendrait-il tout à coup pour Harry Potter ? Ça ne semble pas gêner Wright, mais nous, si. Pas mal d’emprunts assez regrettables qui desservent au final une mythologie déjà riche. Cela étant dit, nous n’avons pas pour autant passé un moment atroce au cinéma. L’intrigue, drôlement bien bâtie, servie par un acteur-enfant très convaincant fait de ce film le conte de fin d’année (presque) parfait qui enchantera les enfants… mais pas forcément leurs parents cinéphiles.